Nouvelle inédite "Club des chevaux magiques" (pour enfants)
UN DROLE DE TRAINEAU
(Nouvelle inédite)
Dix centimètres de neige sont tombés dans la nuit. En cette journée du 23 décembre, les Amazones ont bien cru ne jamais arriver au centre équestre des Trois-Saules.
Les parents se sont téléphoné à plusieurs reprises, et Monsieur Verrier, le père de Lilou, s’est finalement décidé : il a pris sa voiture pour conduire les quatre filles au club. Sur la petite route enneigée, il a roulé à la vitesse d’une mobylette dans les traces des tracteurs pour ne pas déraper. Sur place, les filles lui ont dit ne pas se presser, de ne pas revenir les chercher avant la fin de l’après-midi.
- D’ici là, la neige aura fondu, ce sera beaucoup mieux, a suggéré Jojo, sur un ton très sage.
- Quand tu deviens aussi sérieuse, je me dis qu’il y a un truc qui cloche, a marmonné le père de Lilou, qui heureusement n’a pas insisté.
Vous l’avez compris, ce que désiraient en réalité les Amazones, c’était passer un maximum de temps à la base secrète des Magyss. Le lendemain, elles doivent se séparer pour passer Noël dans les familles, et elles tiennent à profiter de cette journée.
Après une heure d’exercices sous le grand manège en compagnie de Lionel, et une fois les poneys pansés, les filles se ruent vers le sentier qui mène à l’entrée secrète de la base.
Une fois dans le « chemin souterrain », qui monte entre deux rangées d’arbres à l’assaut du coteau, Florine, toujours réfléchie, demande à ses amies de ramasser des branches et de revenir en arrière, jusqu’au portail qui barre le chemin du club.
- Tu veux faire un feu dans le pré ? interroge Jojo, ironique.
- Banane, je veux effacer nos traces ! J’ai pas envie qu’un fouineur décide de les suivre.
Florine a découvert cette technique dans un roman qu’elle vient de lire, dans lequel les héros sont des Indiens. Pour une fois, Jojo trouve l’idée de sa sœur intéressante. Elle court couper un rameau, auquel sont encore accrochées des feuilles mortes.
- Pas la peine de balayer tout le champ, remarque Florine en la voyant labourer la neige sur trois mètres de largeur.
Du coup, Jojo empoigne son rameau, le passe entre ses jambes, et cavale vers le chemin souterrain en criant à sa sœur de finir sans elle.
- Je suis une sorcière magyss sur mon balai ! hurle-t-elle, je vole avec les poneys d’Equïa !
- Elle est un peu excitée à l’approche de Noël, murmure Florine en regardant ses amies avec un rictus moqueur.
Elle sourit moins quand elle reçoit, en pénétrant entre deux rangées d’arbres, une boule de neige en plein front.
Cachée derrière un tremble noueux, Jojo pousse un cri de triomphe et dévale le talus jusqu’au sentier. Florine la poursuit en assurant qu’elle va lui faire « bouffer de la neige », mais sans parvenir à la rattraper.
C’est ainsi que les Amazones, pas vraiment discrètes, arrivent à la grange vermoulue qui cache l’entrée de la base.
Peter leur ouvre dès qu’elles frappent à la porte.
Etonnant : l’adolescent ne porte pas de chapeau de cow-boy comme souvent, mais un bonnet rouge de Père Noël ! Le couvre-chef est couvert d’étoiles qui clignotent et changent de couleur, passant du rouge au blanc, de l’or à l’argent, du bleu au vert.
- T’es très mignon comme ça ! s’exclame Athénaïs. On dirait un lutin !
- Bah, c’est presque Noël, faut bien s’amuser, grommelle Peter avec un sourire en coin.
- J’ai jamais vu un bonnet aussi chouette ! s’émerveille Jojo en voyant varier la couleur des étoiles. T’as acheté ça où ?
- Ca existe pas, c’est un truc des Magyss. Bayard a expliqué à un wisti comment le fabriquer.
- Tu lui diras de m’en faire un ! s’extasie la benjamine des Amazones.
- Peter, tu fêtes Noël avec qui ? s’enquiert Florine, sérieuse.
- Avec mon grand-père et quelques chevaux magiques.
- Et bien, ça va pas être très drôle, lâche Lilou.
- Tu crois ça ? Hum… attends un peu, tu vas peut-être changer d’avis !
En compagnie du jeune palefrenier, les Amazones empruntent le passage souterrain puis gagnent, à travers la pelouse pervenche, le palais imposant des Magyss, dont l’architecture rappelle celle d’un temple romain.
A l’intérieur, incroyable !
Un sapin, planté dans un immense pot de terre, a été installé au milieu de la pièce principale. Il est si grand qu’il touche presque le plafond, pourtant plus haut que dans un château ! L’arbre n’est pas vert, mais orange (les couleurs des plantes d’Equïa n’ont rien à voir avec celles de la Terre).
Des étoiles miniatures, qui n’ont rien d’objets en plastique, scintillent comme de minuscules boules de feu sur les branches. Encore un tour des chevaux magiques !
Les Amazones s’approchent, fascinées.
- On peut les toucher, ça ne brûle pas ? murmure Jojo, impressionnée.
- Elles ne sont pas chaudes, mais si on les touche, elles s’éteignent. C’est vivant.
- Ah, c’est des lucioles ? plaisante Athénaïs.
- Non, des fruits. Des sortes de pommes de pin, mais très brillantes. On appelle cette plante un arbre à ampoules. C’est très pratique. Je pense le planter ensuite devant le palais, pour les pique-nique.
- Magéo n’est pas là ? s’étonne Athénaïs, subjuguée par cet arbre féérique.
- Si, sourit Peter. Il vous a préparé une petite surprise, il ne va pas tarder.
Soudain, des tintements retentissent à l’extérieur du palais. Les filles se tournent vers la porte, prêtes à courir pour voir de quoi il s’agit.
- Ne bougez pas, leur conseille Peter. Vous êtes à la bonne place pour profiter du spectacle.
Un attelage fabuleux s’engouffre par les portes du palais grandes ouvertes sur les pelouses, puis effectue deux fois le tour du sapin, en survolant les visages ébahis des Amazones.
- Le Père Noël ! s’étrangle Jojo.
Personne ne la contredit, tant l’illusion est frappante.
Voilà ce que découvrent les Amazones, et je crois que vous allez comprendre leur stupeur et leur émotion : Ax, Io, Mu et Ji, leurs poneys magiques, attelés en file indienne, tirent un splendide traîneau argenté, sur lequel ont été accrochés des dizaines de grelots, qui carillonnent avec entrain.
Sur ce traîneau, Magéo, ravi de son coup, a le visage rayonnant. Il n’est pas habillé de bleu, comme d’habitude, mais s’est couvert d’un long manteau rouge et blanc. Même si sa barbe est rousse, les Amazones ont vraiment l’impression de voir débarquer le Père Noël en personne !
- Ho ! crie le vieil homme en agitant des rênes qui n’ont pas l’air de servir à grand chose. On atterrit !
Les poneys, obéissants, se posent sur les grandes dalles de marbre, avec le traîneau dans leur sillage.
- La vache ! souffle Jojo.
- Restons poli, ou le Père Noël s’en va, grommelle Magéo.
Puis il sourit :
- Avec les poneys, on voulait vous remercier pour votre aide. Ca vous a plu ?
- Magnifique ! s’écrie Florine, désormais aussi agitée que sa sœur un peu plus tôt.
Elle saute au cou de son poney, qui piaffe de joie.
- C’est moi qui ai fabriqué ce traîneau volant, glisse Peter en bombant la poitrine. Bayard m’a juste un peu aidé.
- Tu pourrais pas faire ça avec la voiture de mon père ? Ca ferait moins de virages pour venir au club ! rigole Jojo.
- Je vous ai amené une surprise, indique Magéo en descendant du traîneau. Des trucs à grignoter, parce que vous ne devez rien emmener à l’extérieur, ça éveillerait les soupçons.
Il porte une sorte de hotte, qu’il ouvre avec une mimique amusée (jouer au Père Noël ne lui déplaît pas, voilà qui le change un peu de son travail stressant de directeur). Puis il tend à chacune des filles un sachet garni de petits chevaux en chocolat !
- Je ne sais pas si j’ai envie de manger du cheval… lâche Florine, songeuse.
- Chi t’en veux pas, che les prends ! lance Jojo, qui vient d’enfourner trois confiseries d’un coup. Ch’adore les ch’vaux, churtout en chocolat !
Tout le monde éclate de rire.
- Un tour dans le traîneau du Père Noël, ça vous dirait ? propose Magéo en leur lançant un clin d’œil.
Les filles poussent des « hourra » et se bousculent pour grimper dans la fabuleuse machine construite par Peter.