Le Club des Chevaux Magiques (série, 12 tomes)

Parue de 2010 à 2013 aux éditions Gründ, la série s'est achevée avec le tome 12, "Au galop pour toujours".

Site officiel : www.chevauxmagiques.fr

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Prologue du tome 6, "Les Roses bleues de la licorne"

Un voleur chez la reine

 

De lui, on ne distingue que le blanc des yeux, et deux prunelles sombres cernées de vert, qui luisent dans la nuit. Le reste de son corps en enveloppé de noir.

Dans son gant, noir également, il serre un petit couteau, qui devrait suffire à forcer la protection. « Ils ne s’attendent pas à un vol au milieu de leur forteresse », lui a assuré l’espion.

Quelques instants plus tard, il tient effectivement l’objet sacré entre ses doigts. A quoi ce truc en forme de fleur peut-il servir ? Peu importe, ce n’est pas son problème.

Soudain, il sursaute. Une silhouette vient d’apparaître à l’autre bout de la pièce !

- C’est moi, chuchote l’inconnu.

Il se détend, soulagé. Il a reconnu la voix et l’allure de l’espion.

- C’est bon, je l’ai. Je file comme prévu par les escaliers ? demande-t-il.

- Non, il y a un problème, quelqu’un vient, souffle l’espion.

- Quoi ? Vous deviez vous arranger pour que les  gardes s’éloignent d’ici !

- C’est sans doute la reine.

- Je peux sortir par la porte principale ?

- Elle est gardée par des sentinelles. Il faut vous cacher. Venez, vite !

Ils entendent des bruits de pas qui résonnent sur les marches. L’espion désigne un soupirail, au ras du sol, protégé par une grille.

- Elle a été dévissée par précaution. Glissez-vous à l’intérieur.

- C’est trop étroit, pas question que j’aille là dedans, proteste-t-il.

- Vous n’avez pas le choix. Dépêchez-vous !

Il s’exécute à contrecœur, disparaît dans le sombre conduit. L’espion replace rapidement  la grille puis s’éloigne.

Une lumière rosée illumine la pièce. Majestueuse, la reine des Magyss pénètre dans la salle.

- Ah, vous êtes là ! S’étonne la souveraine en reconnaissant la créature qui lui fait face. A cette heure ?

- Un garde a cru entendre du bruit, mais je n’ai rien remarqué de suspect, réplique l’espion sans perdre son sang-froid. Je m’apprêtais à le rassurer.

La reine, qui  se dirige vers la porte principale en sa compagnie, ne remarque ni la grille posée de guingois contre le mur, ni  les autres traces du larcin.

Comment pourrait-elle se douter de quelque chose ? Il n’est pas facile d’imaginer la trahison d’un ami…

 

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Prologue du tome 3, "Ecuries en flammes"

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Prologue

 

D’horribles jumeaux

 

La montagne est humide et sombre. Nous sommes en milieu d’après-midi mais le crépuscule, dans les vallées encaissées de ces montages, tombe plus vite qu’en plaine, surtout à la fin du mois de décembre.

Dans la pénombre, un poney se glisse entre des troncs tordus, grillés dans un incendie quelques années plus tôt, encore debout mais réduits à l’état de squelettes noirs. Au sol, rien n’a repoussé sur les pierres lessivées par les averses.

Le crin du poney est de jais et ses muscles roulent sous sa robe couleur de nuit. De loin, vous le trouveriez sûrement beau. Les chevaux noirs sont toujours fascinants, non ? En approchant cependant, vous remarqueriez ses ailes noires et fripées, repliées sur ses flancs, et vous comprendriez, peut-être trop tard, qu’il ne s’agit pas d’un poney normal mais d’un Malet, l’un de ces animaux inquiétants venus d’ailleurs, qui travaillent au service du redoutable Bucéphale.

Les ailes des Malet ne sont pas couvertes de plumes comme celles des chevaux magiques : il s’agit de membranes nues, semblables à celles de chauves-souris. Elles se déplient un peu comme des éventails, grâce à leur inquiétante armature osseuse.

Vous remarqueriez aussi les yeux rouges de la créature, qui à eux seuls vous feraient gémir de terreur dans l’obscurité.

Vous seriez encore plus angoissé en réalisant que le poney maléfique n’est pas seul dans les bois brûlés. Non, il est suivi de deux autres animaux qui semblent être ses clones. Les trois Malets, qui avancent à la file indienne, crachent des nuages de vapeur par leurs naseaux en raison de la fraîcheur. Cette vapeur cependant n’est pas blanche mais verte – un détail qui achèverait de vous glacer les sangs.

Malgré leur puissance et leur aspect repoussant, qui découragent bon nombre de leurs adversaires, les Malets sont inquiets. Non parce qu’ils s’apprêtent à livrer un combat contre des chevaux magiques, mais en raison de la rencontre qui les attend... avec l’un des leurs ! Ils ont entendu dire que l’être avec lequel ils ont rendez-vous était aussi laid que cruel.

Les trois Malets pénètrent dans une grotte humide, dont l’entrée est camouflée par des lianes de lierre et des buissons d’épineux. Les animaux s’ébrouent, car de la vermine (des araignées, des cloportes, des chenilles, et d’autres bestioles de ce genre) tombe de la pierre et de la végétation, avant de ramper sur leur crin soyeux.

Comment peut-on vivre dans un endroit aussi sombre et insalubre ?

Les poneys noirs, heureusement pour eux, ont le pouvoir de voir dans l’obscurité. Ils sont nyctalopes. Prudents, ils avancent dans un long couloir naturel, qui s’enfonce sous la montagne. Ils prennent garde à l’endroit où ils posent leurs sabots, car le sol détrempé est glissant. L’eau froide qui goutte des stalactites suspendues au plafond et qui atterrit sur leurs crinières les fait frissonner.

Le corridor débouche dans une caverne à peine éclairée par d’antiques lampes à huile, enchâssées dans les parois. Les Malets ont beau être habitués aux caches souterraines, ils ne sont guère à l’aise ici, entre les flammèches, gênés par l’odeur âcre de la fumée.

- J’aime ces flammes, elles me rappellent notre Grand Maître, susurre une voix étrange, dans le langage compliqué des Malets.

 

En entendant parler un cheval maléfique, un humain ne percevrait qu’une série de renâclements, de grondements, des souffles mélangés. Le Malet qui vient d’apparaître, cependant, utilise plus de sons stridents que les autres. Vous penseriez peut-être à des cris de vautour mêlés à des sifflements de serpent. Difficile à supporter.

- Elles sont aussi un bel hommage au feu que crache ce bon Bucéphale sur ses ennemis, ne trouvez-vous pas ? continue la voix

Au fond de la caverne, deux bassins sont emplis d’une eau verte, croupie. Au-delà, on devine l’entrée ténébreuse d’un nouveau couloir, qui s’enfonce au cœur de la montagne. C’est de là que sort d’un pas lent, précautionneux, l’être qui vient de proférer ces mots.

Les poneys, qui se sont arrêtés de front au milieu de la caverne, relèvent la tête et couchent leurs oreilles en arrière. Leurs pupilles incandescentes s’écarquillent au milieu de leurs yeux noirs. Même si la créature est leur alliée, ils sont saisis par l’effroi.

On dit que l’aspect du Mal-Maître, le chef suprême qu’ils n’ont jamais vu, est repoussant, mais le Malet qu’ils découvrent à présent est déjà bien assez hideux.

Son nom est Cyclopan. Et comme son nom le laisse présager, c’est un cyclope : il n’a qu’un œil au milieu du front. Un œil blanc, globuleux, strié d’une pupille et de veines vertes, qui peut évoquer une boule de fromage moisi oubliée au fond d’un réfrigérateur.

Sauf que cet œil est brillant, mobile, et qu’il ne cesse de bouger, inspectant les Malets mais aussi l’ensemble de la caverne, à la recherche d’un éventuel danger. Le crin de l’animal est gris. Pas un gris argenté, luisant, mais un gris sale, terne, parsemé de traînées brunes, dont on ne sait s’il s’agit d’une couleur naturelle ou de celle de la crasse.

- Le Mal-Maître m’a chargé d’une mission, continue l’animal borgne de sa voix grêle et sifflante, qui irrite les nerfs des poneys. Nous allons tendre un piège à nos ennemis

- Ici, dans ces montagnes ? demande l’un des visiteurs sur un ton hésitant.

- C’est une zone quasiment déserte, habitée seulement par des ours et des loups. Elle sera parfaite. Nous voulons mieux connaître ces jeunes humaines qui, voilà quelques jours, nous ont forcés à interrompre nos activités au Groenland, et peut-être les punir. Par la même occasion, nous découvrirons, je l’espère, la base secrète des chevaux magiques. Voici ce que nous allons faire…

Pendant de longues minutes, Cyclopan expose son plan. Les poneys écoutent avec attention.

- Avez-vous bien compris mes instructions ? interroge le cheval cyclope pour terminer. Commencez par le loup.

- Comment ferez-vous pour suivre les opérations ici et là-bas en même temps ? interroge l’un des poneys.

- Tu oublies que nous sommes deux frères jumeaux, siffle une voix stridente, identique à celle de Cyclopan.

Les trois poneys tressaillent, épouvantés, et font volte-face dans le désordre car la voix résonne, cette fois, dans leur dos.

Un autre cheval borgne, semblable à Cyclopan, avec lui aussi un œil unique et blanc, les observe depuis le corridor par lequel ils sont arrivés. La robe de ce second cheval cependant est différente : terreuse, parsemée de tâche grise, comme un négatif de celle de son jumeau.

- Cyclopan et Cyclopar sont uniques mais complémentaires, distincts et doubles à la fois, dit le nouvel arrivant. Un œil pour scruter, deux pour régner. N’oubliez jamais à qui vous avez affaire, pauvres créatures solitaires. Quand un œil vous fait face, l’autre se prépare à frapper. Si vous aviez été nos ennemis, nous vous aurions détruits.

De part et d’autre de la caverne, les deux chevaux hennissent. Des cris terrifiants, aigus, qui se répercutent entre les parois rocheuses de la sinistre caverne.

Les poneys noirs tournent en rond au centre de la grotte, coincés entre les deux cyclopes. Même si les jumeaux borgnes sont leurs alliés, quelque chose chez ces Malets les dérangent. Sans doute le grain de folie qu’on décèle dans leurs cris de rapaces.

- Exécutez votre mission correctement, murmure Cyclopan d’une voix pleine de fiel.

- D’abord le loup, complète Cyclopar depuis l’autre extrémité de la caverne. Ensuite, les humaines !

Le Club des Chevaux Magiques (série, 12 tomes)

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